Députée de la Drôme (1ère circonscription)
Première Vice-présidente de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes
Vice-Présidente de la Commission des Affaires étrangères

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Commission sur les ingérences étrangères


Au cours du mois qui s’est écoulé, j’ai eu l’occasion d’assister à des auditions menées par la commission sur les ingérences étrangères dans laquelle je siège. A Monsieur Raphaël Glücksmann, député européen et président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’UE, j’ai posé des questions sur le degré de vulnérabilité de nos institutions et du Conseil de l’Europe face à la corruption et aux influences étrangères. A François Fillon, j’ai demandé de préciser sa vision de la vie économique et de la politique en Russie et s’il avait été témoin de tentatives d’ingérence lors de ses déplacements en Russie. Enfin, j’ai discuté avec Jean-Pierre Chevènement de son changement de regard sur la Russie ces dernières décennies. Nous avons également assisté à l’audition de Thierry Mariani à qui je n’ai pas posé de questions.

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Le 4 avril 2023

Audition de M. Raphaël Glücksmann, député européen et Président de la Commission INGE 2

 

 

Mireille Clapot :

Merci Monsieur le Président, Madame la Rapporteure, chers collègues,

Monsieur Glücksmann, je voudrais vous dire que je trouve le travail que vous menez extrêmement courageux et je ne doute pas que quand on lève des questions aussi fondamentales que celles que vous levez, cela ne doit pas être facile tous les jours. C’est tout à votre honneur de le faire et vous avez donc mon soutien.

Un article récent du Figaro fait état d’agents dormants infiltrés prorusses en Ukraine, prêts à être « activés » le jour venu. Poutine avait donc vraiment un plan concerté et cela me fait donc penser que cette tactique s’est peut-être appliquée au Parlement européen après l’annexion de la Crimée et, depuis le 24 février, l’invasion de l’Ukraine. Auriez-vous des éléments là-dessus ? Vous avez mentionné la réunion des droites extrêmes d’Europe le 31 mai 2014 organisée par [Konstantin] Malofeïef à laquelle participait Aymeric Chauprade, à l’époque député européen Rassemblement National parmi d’autres. On pourrait donc imaginer que ce type de réunions avaient aussi pour but la mise en place d’agents dormants… C’est peut-être de la fiction mais j’aimerais avoir votre avis là-dessus.

Ensuite, j’avais l’impression que le Parlement européen était soumis à toutes sortes de contrôles, de déclarations. On l’a vu avec les récentes affaires, il semblerait que non. Qu’est-ce que vous proposez pour améliorer et prévenir les situations d’ingérence ?

J’ai une dernière question, j’espère qu’elle ne sort pas du cadre. Je siège à l’APCE, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, pour laquelle j’ai fait une mission d’observation des élections [en Bulgarie]. C’est une institution très importante, passionnante et qui comprend 46 pays dont l’Ukraine, la Turquie et d’autres. Est-ce que vous pensez que cette institution pourrait aussi être sujette à des tentatives ou même des ingérences réussies ?

 

 

 

Raphaël Glücksmann :

Déjà, je vous remercie pour vos propos liminaires.

Si la question était « est-ce que le même type d’agents dormants existent ailleurs ? », par définition, ce sont les limites du travail parlementaire. Ce n’est pas moi qui serait en mesure de les identifier à la tête du secrétariat de la commission spéciale sur les ingérences. Ce qui est certain, c’est que la présence des agents dormants en Ukraine était parfaitement organisée à l’invasion mais cela faisait longtemps que ces agents étaient placés et qu’ils étaient ensuite appelés à sortir de l’obscurité au moment donné.

Sur la question du contrôle au Parlement européen, il en existe. Il y a un registre des transparences, il y a des déclarations d’intérêts mais ces mesures existantes sont bien trop faibles et, surtout, les pouvoirs de sanction sont soit inexistants, soit mineurs. Il faut donc réformer et c’est ce à quoi on s’attelle en ce moment. Depuis l’interdiction des groupes d’amitié quand des délégations existent jusqu’aux réglementations sur les conflits d’intérêts ; tout doit aujourd’hui être examiné.

On va produire - je l’espère puisque Madame Loiseau et Monsieur Bilčik en sont les co-rapporteurs, je leur fais confiance, ils ont déjà produit un draft, mais je fais confiance aux différents groupes pour avoir une ambition forte de réformes   – des changements sur tout une gamme de mesures : la période de « refroidissement » qui fait suite à votre mandat, c’est-à-dire ne pas aller travailler pour une structure de lobbying juste après votre mandat dans l’objectif d’utiliser vos réseaux au sein des institutions afin d’influencer les décisions, la création, à l’échelle européenne, d’une Haute autorité de transparence de la vie publique, la question des visites et des voyages parlementaires, la question même de l’accès aux bâtiments européens. Il y a énormément de sujets que l’on a mis sur la table et dont l’on débat. Par définition, c’est la démocratie et je ne peux pas encore vous dire où on va aboutir sur ces questions-là mais ce que j’espère, c’est que la commission soit la plus ambitieuse possible sur ces réformes. Un exemple : la question du conflit d’intérêt. Vous pouvez être député et, dans le même temps, avoir un cabinet qui travaille pour Total par exemple. Cela pose quand même question quand vous êtes appelé à travailler sur les questions énergétiques. Je prends cet exemple mais je pourrais en prendre des dizaines, jusqu’ici, il y a une réglementation qui est extrêmement faible.

Sur l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, il y a un excellent documentaire qui s’appelle « Caviar Connexion » sur la corruption au sein de l’APCE par le régime de l’Azerbaïdjan il y a quelques années. Ce documentaire est assez intéressant, il montre comment la corruption d’un nombre limité de personnes au sein d’une institution peut faire basculer des majorités. En l’occurrence, le rapport, qui était parfaitement étayé sur les prisonniers politiques à Bakou, a été rejeté par une coalition politique alors même que l’orchestrateur principal de cette coalition politique de rejet était financé, cela a été prouvé par la justice italienne par la suite, par le régime azéri.

Il y a évidemment cette menace qui plane toujours. Je ne sais pas à quel point l’APCE a fait des réformes profondes suite au scandale qui était lié au régime de Bakou mais je pense que toutes les assemblées sont menacées. Encore une fois, vous avez une très grande disproportion. En l’occurrence, il y a eu le témoignage de l’ancien ambassadeur de l’Azerbaïdjan auprès du Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne par la suite qui a dit que le régime de Bakou avait dépensé je crois 30 millions – mais je ne me souviens plus du chiffre exact – en effort de corruption auprès des députés. On parle de régimes qui sont extrêmement riches et qui ont beaucoup d’argent disponible pour ce type d’opérations. Par ailleurs, on donne toujours, dans la défense de nos institutions, l’impression d’être pauvres, avec des budgets contraints. On n’est effectivement pas dans une situation de force pour contrôler cela et donc, ce que l’on peut faire au moins, c’est réformer nos règlements pour rendre la chose la plus difficile possible et, si l’on n’arrive pas à bannir toute forme de corruption, au moins limiter au maximum l’impact potentiel de cette corruption sur la manière dont sont décidées les choses dans nos institutions.


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