Députée de la Drôme (1ère circonscription)
Première Vice-présidente de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes
Vice-Présidente de la Commission des Affaires étrangères

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Table ronde sur les enjeux géopolitiques en Asie centrale


Commission des affaires étrangères,

Intervention lors de la table ronde sur les enjeux géopolitiques en Asie centrale

1er février 2023

 

Mireille Clapot (oratrice de groupe) :

Merci Monsieur le Président d’avoir organisé cette table ronde. Cette zone qui fait l’objet de notre attention aujourd’hui est composée pays très différents et nos deux intervenants ont bien montré jusqu’à présent que ces pays sont dans la sphère d’influence russe mais sont aussi porteurs d’enjeux auxquels nous devons porter attention. Cette table ronde est donc particulièrement intéressante.

Si on regarde d’abord l’axe de la guerre en Ukraine, on voit qu’en première approche, les différentes prises de position de ces pays dans la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine montrent qu’en quelque sorte, le lien avec l’Ukraine et la préoccupation de souveraineté équilibrent les pressions nombreuses qu’exerce la Russie. Comme vous l'avez dit, les leviers y sont nombreux, tant économiques que sécuritaires ou concernant l’accès à l’énergie. Mais vous avez bien montré aussi que les facteurs endogènes d’instabilité s’ajoutent à des facteurs de positionnement structurels entre des grandes puissances avec des appétits et des convoitises tant de la part de la Chine, de la Turquie ou de l’Iran qui pourraient vraiment déstabiliser ces pays. Il faut y être attentif.

Je vais tenter une approche plutôt par les populations, parce que nous avons beaucoup parlé de géopolitique, d’évolutions dynastiques, mais au fond et sans vouloir généraliser puisque que ces 5 pays en –Stan sont très différents: que pourriez-vous nous dire sur l’attitude des populations ? Est-ce que c’est, à terme, une main d’œuvre bon marché pour la Turquie et la Chine qui veulent fabriquer des drones, des armements ou des produits manufacturés ? Est-ce que c’est une population candidate à l’émigration que l’on pourrait retrouver tôt ou tard dans des pays voisins ou plus lointain, plus riches ? Est-ce un réservoir de recrutement, soit pour l’armée russe avec promesse de nationalité russe à la clé, soit pour des milices comme Wagner pour l’appât du gain ? On évoquait hier dans le groupe qui va travailler sur la Biélorussie la présence de milices tadjiks en Biélorussie pour exacerber la crise migratoire ? Est-ce une population qui va se révolter contre les injustices et les violations des droits humains, qui va demander plus de démocratie ? Est-ce qu’on assiste à l’émergence d’une génération connectée, attentive aux questions d’égalité femme-homme et à l’environnement ? Que va nous apporter ces populations dans ces 5 pays en –Stan ? Je vous remercie.

 

 

Mickaël Levystone (chercheur associé au Centre Russie – nouveaux Etats indépendants de l’Institut Français des Relations Internationales) :

C’est une question très riche. Quelques éléments et puis Monsieur Mondolini complètera si besoin. Je parlais tout à l’heure de liens migratoires entre la Russie et l’Asie centrale : la Russie accueille officiellement 4 millions de travailleurs centre-asiatiques dont 2 millions d’Ouzbekistanais, 1 million de Kirghizstanais et 1 million de Tadjikistanais. Il faut savoir que le fruit de ce travail, de ces gens expatriés en Russie, contribue à près d’un tiers du PIB du Kirghizstan et du Tadjikistan. Ce sont des gens qui, malgré la guerre en Ukraine, n’ont pas massivement quitté le marché russe. Il y avait des prédictions alarmistes en ce sens mais cela ne s’est pas concrétisé. Ce que l'on a vu en revanche, là je vais dans votre sens, on a vu des centrasiatiques chercher de plus en plus du travail en Turquie effectivement, en Grande-Bretagne ou en Allemagne sur des périodes plus courtes, en Israël aussi. La relation entre les centre-asiatiques et la Chine relève du psychiatre, c’est une relation complexe, surtout au Kirghizstan où ils sont très antichinois. Donc je ne suis pas certain qu’ils regardent forcément du côté de la Chine pour travailler, s’installer, vivre sur place.

Vous parliez d’une possibilité de recrutement de ces centrasiatiques par l’armée russe. Dans la mobilisation partielle, les autorités russes ont appelé les centrasiatiques à rejoindre l’appel sous les drapeaux en échange de la citoyenneté russe. Donc c’est une chose sur laquelle les ambassades centrasiatiques, au sein de la Fédération de Russie, étaient très vigilantes, tous, y compris le Turkménistan, étonnament.

Concernant le Turkménistan, vous parliez justement de recrutement dans des milices ; il semblerait que la société militaire privée Wagner recrute dans les prisons du Turkménistan. C’est quelque chose qui a été lâché par un opposant au régime d’Achgabad. C’est donc à prendre avec des pincettes mais pour autant, ce n’est pas forcément à exclure dans ce pays-là, parce qu’au Turkménistan, tout est possible.

Enfin, pour ce qui concerne le poids grandissant des sociétés centrasiatiques, je suis d’accord avec vous. C’est un grand enseignement, je pense, de l’année 2022. On a vu ce qu’il s’est passé au Kazakhstan, même s’il y a eu des manifestations au départ qui ont dégénéré en émeutes avec des éléments radicaux, djihadistes. On a eu des manifestations au Karakalpakstan, qui ont été mentionnées par Monsieur Mondoloni. Il y a eu des phénomènes insurrectionnels dans le Haut-Badakchan, au Tadjikistan. Je pense que dans ces régimes d’Asie centrale - je mettrai le Turkménistan de côté car c’est un pays très particulier - il y a une attente sociale plus forte qui pèse sur les dirigeants de ces pays et, effectivement, ce sont des phénomènes qu’il va falloir surveiller de très près.

 

 

 

Frédéric Mondoloni (directeur de l’Europe continentale au ministère de l’Europe et des affaires étrangères) :

Je vous remercie de votre question. C’est l’avenir, vous avez tout à fait raison d’insister sur les populations. En deux mots ; ce sont des populations très jeunes, c’est un enjeu très lourd pour les gouvernements. Par exemple, en Ouzbékistan, il faut créer environ 1 million d’emplois par an pour la population active qui arrive tous les ans sur le marché du travail, plus des places à l’université. Au final, c'est un enjeu de sécurité avec la place de l’islam également, comment trouver le point d’équilibre entre la liberté et la stabilité, avec une demande très forte de cette population jeune à la fois en termes d'emplois mais aussi de justice sociale ou de lutte contre la corruption. Il y a quelques exemples, au Kazakhstan, il y a le sujet de lutte des clans de Nazarbaïev et on voit bien qu’encore une fois, même si ça dégénérait en tentative de coup d’Etat, je crois qu’il y avait des préoccupations de justice sociale en janvier 2022.

Vous avez cité le sujet russe, il est clair que dans ce paysage compliqué, les tentatives russes de recruter des combattants en Asie centrale sont un vrai problème de sécurité, notamment pour l’Ouzbékistan. La Russie, mais aussi la milice Wagner effectivement selon nos informations, cherche activement à recruter dans ces pays avec une promesse financière mais aussi de nationalité, ce qui peut être un attrait extrêmement fort pour cette population jeune et sans forcément de débouchés. Merci beaucoup.


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